Je me souviens de cette soirée à Rome. La journée avait été sucrée. J’avais d’abord été me réchauffer avec un des fameux chocolats chauds de Venchi, si épais qu’il fallait le servir avec une cuillère. Le sucre me piquait la gorge, et j’avais poursuivi cet attentat pancréatique par une glace à la pistache, servie chez Giolitti.
Naturellement, je me suis dirigé vers la fontaine de Trevi. Lors de ma première visite, j’avais été impressionné par la taille massive de ses quatre colonnes. C’était une démonstration de la poursuite du style baroque dans la Rome du XVIIIème, et ce que je préférais, c’était l’église qui s’y juxtaposait. Bloquée entre deux murs, elle était a contrario de taille si modeste qu’on la confondait avec une chapelle, qui me rappelait celle de Mykonos. Un arbre cachait la forêt à cette foule immense, si proche, mais si loin d’imaginer le joyau que renfermait la maison de Dieu.
J’ai alors descendu les marches de la cascade, harcelé par les escrocs aux appareils démodés. Je me suis assis pour pratiquer cette activité si intelligente qu’est l’observation. Devant, une fille posait, et quand les coutures de sa veste sautèrent faire des ricochets, elle pouffa avec ses amies. Des gens me faisaient face – non pas pour performer – mais pour jeter des pièces aveuglément. Certains seuls. D’autres filmaient un moment historique, tandis que les plus romantiques se partageaient l’aumône. D’après la documentation, les jeunes du quartier récoltaient le butin avec de longues perches aimantées, avant qu’on n’interdise cette pratique.
La foule se pressait autour du génie de Salvi, et personne n’avait remarqué le flash lumineux sur un toit voisin. Il était impossible de distinguer l’âge ou le genre des stégophiles, tant ils étaient éblouissants. Ça dura quelques minutes, avant que la Lune ne reprenne le monopole du ciel.
Le climax se pointa lorsqu’un mec se mit à genoux, et demanda la création de liens juridiques inébranlables à sa dulcinée. La foule applaudit, fort et siffla. La vie de deux êtres venait d’être bouleversée, et chacun reprit rapidement ses esprits.
L’avantage de cette saison, c’est que je n’avais toujours pas de glace sur les doigts.