Mardi matin, certains diraient qu’il n’a pour lui que de ne pas être un lundi. Nous sommes le 14 février, c’est la fête des gens bien heureux. Fidèle de mon rituel, dès neuf heures, je dispose, pour rejoindre la quiétude infinie de la mer. Mon vélo bleu couine à chaque coup de pédale ; cela aurait pu être pire, celui d’hier n’avait plus de selle. D’Anglais la Prom’ est parsemée, on y voit des goélands, un beau en maillot, des baigneurs de janvier et un bateau. Il y a un clochard sous une tente, un vieux qui pêche et des chiens tous fous. Et beaucoup de galets. Je débarque à la Civette du Cours. L’allongé, qui est à l’Amérique ce que Nantes est à la Bretagne, met en émoi tous mes sens, aux aguets pour une lecture attentive du dernier Charlie. Nouvelle d’enfer, l’Assemblée Nationale a adopté une loi rendant obligatoire la présence du soleil entre 7 et 10 heures pour une meilleure productivité au travail. Et pas seulement le lundi. Pas de procès en prévision, étant à Nice : la chaleur électrisante, incroyable incendie du ciel, me motive à adopter une attitude positive en ouvrant mon laptop. Bref, après 3 heures devant le petit écran, les premières réservations affamées débarquent, il s’agirait de rendre la table. Je sors au Cours Saleya : de la vie, des humains partout, des couleurs aux murs, dans les assiettes et les âmes, trois violons, d’une part les montagnes, de l’autre les eaux profondes. Drôle de transition, on n’aura jamais skié aussi près de la mer. Le marché, comme chaque matin s’est emparé de l’endroit, et c’est la fête. « C’est pas moi l’artiste ! C’est Arnaud Savary ! C’est pas cher ! » scande un mec devant des peintures fraîches. L’aquarelliste reprend bientôt sa place, me serre la pince, de quoi échanger sur ses dernières inspirations autour d’une pissaladière. C’est cliché, mais qu’est-ce qu’on en est férus. N’hésitez pas à lui rendre visite, il investit le cours chaque semaine. L’heure de reprendre la marche, puisque traverser Saleya peut s’avérer semé d’embûches. Je m’active sur des kumquats locaux, des clémentines de Saint-Laurent-du-Var, quand boum : le détecteur à touristes fait trembler les murs. Il est déjà midi, les goélands l’ont bien compris. Je passe devant la préfecture et sa peinture, je renifle les fleurs – il n’y a rien de plus beau que du mimosa au soleil – l’odeur de la lavande, des vrais et faux savons de Marseille, enfin de retour au bord de la Méditerranée. Contrairement au petit matin, on se sent à l’étroit : ici-là, France 3 tourne son JT à propos des crottes d’éléphants, et là, la bourge du Negresco – assise sur une chaise bleue, mais sans toucher la chaise. Le sol est jonché de gens et confettis, tandis que les palmiers crachent des serpentins : le Carnaval, c’est en ce moment. Je m’active à la place Masséna – elle sera fermée bientôt pour la bataille de fleurs – je contemple tout et rien puis je rentre.
Déambulation matinale
- Auteur/autrice de la publication :Benjamin
- Publication publiée :17 février 2023
- Post category:Prose
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