Correspondance de Venise

Salut Papa,

Sur une île secondaire de la Sérénissime, se trouve mon auberge de jeunesse. Au diable Vauvert, loin du brouhaha et des gondoles. Chaque matins et soirs, je monte sur un Vaporetto pour aller et revenir. Les vagues sont si puissantes qu’elles nous balancent de droite à gauche. 

Depuis le trottoir de ma résidence, sur lequel dégueule la mer Adriatique et s’esclaffent des goélands, j’admire le Campanile de Saint-Marc et la Basilique Santa Maria della Salute. De cet angle, ils semblent figés.

Cet îlot s’appelle Giudecca. On y trouve juste quelques habitants qui se sourient et se saluent, une petite épicerie, deux restaus et un café sur le quai.

Ce dernier, c’est le Bar Da Monica. Quand je rentre au matin ; les couleurs rougeâtres, les lumières incandescentes du chandelier et le bois réchauffent l’atmosphère. Un inconnu m’interpelle d’un « Ciao » et complimente ma boucle d’oreille. J’observe les murs, et j’y vois des tableaux, des valises en cuir et de l’Apérol pour trente tables d’Italiens.

Pour me confondre, je demande un cappuccino. Le serveur fait mousser le lait, et d’un geste expérimenté, voilà ma boisson chaude dessinée au creux d’une tasse. Quand je sors une pièce, il m’enjoint d’apprécier le breuvage avant de payer. 

Je prends place entre deux gars qui boivent « au comptoir ». Ici, c’est comme ça qu’on consomme la caféine. Debout, ou sur des chaises hautes. Papa, je sais à quel point tu aimes ton café du matin. Cette histoire est donc pour toi. Deux « éboueurs de la mer » descendent d’un chalutier, et discutent avec une femme au teint doré. Giorgia Meloni apparaît sur l’écran de télé, mais mon incompréhension partielle oblige à détourner les yeux au dedans. Tout est si simple, et si authentique. J’ai de l’écume plein les lèvres, et bientôt, je dois la finir à la cuillère. 

Voilà. Je ne sais pas quand c’était, car j’ai réitéré cette expérience cinq jours d’affilée. Tout était semblable, sauf le temps : une fois, la pointe du Campanile se perdait dans la brume. Le lendemain, la marée haute avait inondé la terrasse, et menaçait de s’attabler. Le dernier jour, un grand soleil se levait, et on entendait de là les oiseaux se lever au son des cloches de Saint-Marc.

J’avais écrit une première lettre, dans laquelle je te racontais mille et une choses incroyables de ce voyage. Mais finalement, je crois que tu sais maintenant le plus important.

Benjamin

Laisser un commentaire