15 juillet 2016
Comme chaque matin, je suis sorti de ma torpeur par les goélands. Leurs cris sont inscrits au sein de mon cycle circadien, qui les associent à la montée du soleil. Mes paupières semblent aussi verrouillées que mon esprit, qui tend à poursuivre cet agréable sentiment de repos. Celui qui suit le plus désagréable des cauchemars, là où l’esprit trouve enfin la force de ne plus maugréer. J’ai rêvé que mon chat me hurlait dessus. C’est à cause de son pelage que je l’ai appelé Snow. Un souffle léger balaie mes jambes, puis mes chevilles, pour me chatouiller les pieds. C’est un vent léger, frais mais odorant, une effluve que je ne parviens guère à identifier. Mes guiboles dépassant de la couverture, je tente de remettre la couette sur son lit, mais n’en trouve pas la puissance.
Une émanation plus familière de croissant chaud parvient à mes narines, et il s’agit je pense de la plus agréable des sensations. Le froideur s’étant rabattue au rang de souvenir, je sens les mains fermes du gindre pétrir la pâte avec fierté, et la chaleur de son fourneau me fouetter la peau. Elle est la même que celle du soleil que l’on ose affronter de face, ou d’une bougie qu’on sent d’un peu trop près. A cela se mêle l’odeur d’un pied d’alouette, une fragrance déposée en bouquet au pied de mon plumard.
L’avantage de vivre sur la place Masséna porte un nom : sa boulangerie, à deux pas sur la Promenade des Anglais. Deux fois par semaine, au moins, je m’attable à mon balcon, pour apprécier la lente descente du café corsé jusqu’au fond de mon gosier, avec l’une de ces créations divines. De ma balustrade, j’ai un meilleur point de vue qu’Apollon, qui trône fièrement au centre de la fontaine du Soleil. Il est d’autant que je sache mon plus vieux copain, et je m’amuse toujours à lui raconter mes journées, alors qu’il assiste au quotidien bruyant des Niçois, venus fouler le damier de l’esplanade. Nous sommes régulièrement interrompus par le bavardage incessant des sages illuminés.
Un roucoulement me ramène à la pleine conscience. Le problème est tel que je n’arrive réellement pas à ouvrir les yeux. Logiquement, mon pouls prend de la vitesse, jusqu’à battre la chamade. Je comprends que je suis encore en train de rêver, mais à mi-chemin entre deux mondes. Cette idée me rassure, et je cesse de m’agiter. Je me demande si je suis toujours dans le même rêve que tout à l’heure. Cette idée me déplait, car il était franchement désagréable. La seconde question qui me vient est « comment parvins-je à me demander de quel rêve je suis en train de rêver ? ». Puis je me rappelle que nous, humains, nous payons déjà le luxe de penser que nous pensons, et que ce doit donc être possible. J’en conclus que mon rêve précédent est passé, et, levier en main, je relance la machine à rêves.